Face à l'érosion et à l'avancée de la mer dans les terres, plusieurs stratégies s'offrent à nous. Chacune d'entre elles a ses avantages et ses inconvénients. Ce cours nous les détaille afin de mieux comprendre les enjeux qui entourent la gestion du risque d'érosion. C'est ainsi que nous pourrons, peut-être, prendre les mesures nécessaires à une gestion sensée et durable de notre environnement côtier.
Pour découvrir quelles sont les stratégies mises en place sur les différents littoraux français, découvrez notre carte interactive.
http://fr.oceancampus.eu/carte-erosion
Les littoraux sont des espaces attractifs soumis à une forte pression démographique. En France métropolitaine, l’ensemble des communes côtières ne représentent que 4% du territoire, mais concentrent pourtant 10% de sa population.
Ce sont des territoires variés avec des environnements très différents (plages, falaises, dunes, estuaires…) qui comportent de multiples usages (activités commerciales et industrielles ; ports de commerce, de pêche et de plaisance ; activités nautiques…). Enfin, par leurs diversités, les littoraux attirent de nombreux touristes. Par exemple, la ville de Biarritz passe de 23 000 à 110 000 habitants pendant la saison estivale.
Enfin, dans un contexte d’augmentation des phénomènes météo-marins comme les tempêtes et compte tenu de l'augmentation démographique des territoires côtiers, les communautés littorales repensent la manière avec laquelle les littoraux sont aménagés.
De ce fait, plusieurs stratégies ont été mises en place afin de protéger les enjeux sur la côte française. On distingue alors quatre types de stratégies : la défense ou lutte active, l’accommodation ou accompagnement des processus naturels, la relocalisation ou le repli stratégique et enfin la surveillance passive.
En fonction des enjeux à protéger (habitations, infrastructures, milieux
naturels...) différentes stratégies seront privilégiées.
Traditionnellement, l’érosion côtière est combattue par des ouvrages de défense dits « lourds » permettant de repousser les assauts de la mer (épis, murs, brise-lames ...). Ces techniques ont souvent une action protectrice très localisée avec des effets aggravant à proximité de la zone protégée.
Afin de résoudre ces problèmes, d'autres systèmes de protection dits « souples » se développent et présentent l'avantage de mieux s'intégrer au paysage naturel et de présenter un impact moindre sur la biodiversité.
1. Les aménagements en dur (digues, épis, enrochements ...)
Ces techniques se basent sur deux principes différents :
- les aménagements perpendiculaires à la côte, tels que les épis, permettent notamment de minimiser le transport du sable par les courants latéraux (dérive littorale). Les plages se rengraissent en sable à l'amont et l'énergie des vagues est amoindrie dans le même temps.
- les aménagements parallèles à la côte (digues, brise-lames, enrochements ...) font obstacle aux vagues et fixent le trait de côte.
Brise lame dans la baie de Saint-Jean-de-Luz Épis à Anglet
Inconvénients :
- impact extrêmement fort tant au niveau paysager que pour la biodiversité
- coûts très élevés
- perturbation voire suppression des activités de loisirs comme le surf
- érosion renforcée en aval de ces aménagements (ce qui revient à déplacer le problème)
2. Les aménagements souples (réensablement, geotextile)
L'objectif est d'opposer à la mer une stratégie basée sur la diffusion de l'énergie des vagues et une moindre modification de l'écosystème.
Ces aménagements permettent de garder une plage sèche à marée haute, contrairement aux aménagements en dur. En outre, l'impact paysager et le coût de ces méthodes dites « douces » est largement inférieur aux méthodes « dures ». Un autre avantage de la lutte active souple est que la plupart des activités de loisirs sur le littoral ne sont pas perturbées.
Réensablement par bateau Réensablement terrestre Boudins géotextiles
Inconvénients :
- durabilité et efficacité plus faible dans le temps
- aménagements demandant un entretien plus régulier
- bouleversement de la biodiversité pour le réensablement
- risque de manque de sable (exemple de Lacanau : pour un linéaire de 1,2 km, le besoin annuel en sable est estimé à 72 000 m3)
Les dunes et les zones humides sont des protections naturelles du littoral. Leur réhabilitation ou leur renforcement peut ralentir le phénomène d'érosion et diminuer ainsi le risque de submersion.
1. Réhabilitation de dunes
Pour la réhabilitation des dunes, les processus naturels sont soutenus par la mise en place de ganivelles et la plantation de végétation qui retiennent le sable. Cela permet d'empêcher le sable, emporté par le vent, d'avancer vers l'intérieur des terres. La dune se stabilise et peut même gagner du terrain face à la mer.
Ce processus est lent et demande de la patience et une protection particulière afin d'éviter notamment le piétinement. Cela contraint les usagers à faire des détours pour accéder à la plage, mais ce petit effort est récompensé à long terme par le maintien d'une plage saine offrant toutes les possibilités à l'usager de s'épanouir dans les activités littorales.
Réhabilitation de la dune de Capbreton, Ville de Capbreton
Inconvénients :
- entretien régulier des dunes et mise en place de protections indispensable
- ralentit le processus d'érosion mais le stoppe pas
- seulement applicable sur les zones où un large cordon dunaire existe déjà
2. Réhabilitation de zones humides
Beaucoup de zones humides sur le littoral français ont été asséchées au cours des derniers siècles pour gagner des terres cultivables ou constructibles, pour lutter contre l'invasion des moustiques (la forêt des Landes par exemple) ou pour pouvoir faciliter l'accès au littoral. Ces zones représentent pourtant des zones « tampon » qui peuvent absorber des quantités importantes d'eau et qui sont capables de ralentir les vagues lors de tempêtes. Elles diminuent ainsi considérablement le risque de submersion et rétablissent la biodiversité ...
En dehors de ses capacités à protéger la côte, la réhabilitation des zones humides permettrait de participer au développement d'activités de loisirs comme la pêche, l'observation naturaliste, les balades ... Cela peut être un vrai atout pour un territoire et ses habitants, améliorant ainsi le cadre de vie dans une véritable démarche de développement durable.
Parc écologique Izadia à Anglet, Le cartographe
Inconvénients :
- demande de laisser de larges zones du littoral à l'état naturel
- développement touristique limité au "tourisme vert"
La relocalisation prévoit la démolition et le déplacement des biens et des activités du front de mer vers l'intérieur des terres. Cette solution est envisagée quand le maintien du trait de côte devient techniquement impossible ou lorsque les coûts de celui-ci deviennent trop importants.
Dans des zones à fort recul du trait de côte, la relocalisation peut également s'envisager lorsque peu de biens sont concernés et que le déplacement peut se faire facilement (exemple : camping).
Camping au pied de la dune du Pyla, Toacamp Route de la Corniche Basque, iparraldeeuskalherria.blogspot
Cette stratégie demande une anticipation forte de la part des collectivités, et s'appuie sur un important travail d'information pour convaincre les acteurs (habitants et commerces). Bien qu'elle semble être la seule solution à long terme face au risque d'érosion accru sur certaines zones, elle est très délicate à mettre en place, notamment du fait de l'épineuse question de l'indemnisation des personnes concernées, pour laquelle il est difficile de trouver les fonds nécessaires.
A titre d'exemple, la résidence "Le Signal", située à Soulac-sur-Mer, en Gironde, a dû être évacuée d'urgence en 2014. Après quatre années de querelles administratives, le Sénat a voté en décembre 2018 l'indemnisation des copropriétaires.
Inconvénients :
- de nombreux points de blocages réglementaires, opérationnels et financiers à lever
- mise en place très longue, ce qui implique souvent de trouver une solution de protection temporaire coûteuse
- nécessite une étude de faisabilité en amont impliquant tous les acteurs locaux
- faible acceptabilité sociale (difficile de convaincre les personnes concernées)
Il s'agit de laisser la nature s'adapter toute seule, sans intervention humaine. L'écosystème est souvent en mesure de retrouver un fonctionnement normal après avoir subi une perturbation extérieure (tempête par exemple). On parle de faculté de « résilience ».
Ces zones naturelles restent néanmoins sous surveillance des organismes habilités qui étudient leur évolution afin d'anticiper tout changement.
Les coûts sont plutôt faibles. Malheureusement, très peu d'endroits en France peuvent se réjouir de cette situation. Le développement touristique et démographique réduit de plus en plus ces espaces.
Par exemple la mise en place de zones Natura 2000 ou le rachat de terres par le Conservatoire du littoral sont des mesures qui permettent de préserver des espaces vierges et ainsi des zones tampon.
Dune du Trentat, Opusmangvision
Inconvénients :
- peu de zones sont concernées
- nécessite une bonne connaissance des territoires
Souvent, les collectivités appliquent plusieurs stratégies sur leur territoire, en fonction de la configuration de leurs côtes, du budget et des enjeux à protéger. Ce sont des décisions difficiles à prendre pour lesquelles la concertation entre parties prenantes (décideurs, gestionnaires, usagers, habitants, commerçants ...) joue un rôle primordial.
Trait de côte : la limite entre la terre et la mer. Il est parfois difficile à définir sur un littoral en constant mouvement comme sur le littoral sableux. Nous le définissons ainsi : côte sableuse = limite du pied de dune, côte rocheuse = limite du haut de falaise.
Ganivelle : barrière formée par l'assemblage de lattes de bois verticales séparées les unes des autres par un espace dont la largeur détermine la perméabilité de la barrière.
Vous pourrez trouver plus d'informations sur les risques d'érosion et de submersion sur les sites partenaires du BRGM et du Conservatoire du littoral.