Tout ce qu’il faut savoir sur le transport maritime : son essor, ses conséquences et ses répercussions sur l’environnement. Sans oublier les moyens d’agir et les alternatives.
Le transport de personnes et de marchandises par voie maritime a évolué au fil des siècles, tout comme les problématiques qui en découlent. Les premières navigations maritimes, effectuées grâce à la simple force des bras et/ou du vent, remontent avant même l’antiquité gréco-romaine, aux alentours de 4000 av. J.-C.. Elles connaîtront un véritable essor au XVe siècle, au temps des colons et des grandes navigations espagnoles et portugaises. Ainsi, le premier voyage autour du monde est effectué par Fernand de Magellan de 1519 à 1522. Dès la fin du XVe siècle, les navigateurs portugais se lancent dans la course à la route des Indes, voie maritime qui permet de faciliter le commerce avec l’Afrique et l’Asie.
C’est à Vasco de Gama que l’on doit l’ouverture de cette route par le Cap de Bonne-Espérance, reliant ainsi l'Europe et les Indes orientales. Aujourd’hui, la grande majorité des marchandises mondiales circule par voie maritime. Bien loin des caravelles et des vieux gréements utilisés lors des premières grandes traversées, les gigantesques navires qui sillonnent présentement nos océans ont un impact sur la faune et la flore marines et notre environnement de manière globale.
1) Accélération des flux par voie maritime
Mers et océans sont devenus au fil du temps des espaces majeurs de circulations en tous genres et d’échanges commerciaux. Le phénomène de globalisation survenu au XXe siècle a fortement accru l’activité maritime et la densifié le maillage de routes maritimes qui quadrillent le planisphère.
De nos jours, 90 % des exportations mondiales s’effectuent par bateau. Énergies, matières premières, biens manufacturés, alimentation, vêtements… Notre vie quotidienne dépend de ces multiples réseaux et plateformes portuaires.
Si on prend l’exemple des grandes routes du pétrole, celles-ci partent des pays producteurs pour aller vers les principaux États consommateurs. Elles ont fluctué au gré des découvertes et de l’industrialisation de ces pays. Aujourd’hui, la route principale part du golfe persique (Arabie saoudite, Iran, Koweït, Irak) et va vers l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie du Nord (Japon, Corée du Sud, Chine). Chaque perturbation de ces routes a un fort impact sur la géopolitique du monde et le prix du baril de pétrole.
2) De la nécessité de réglementer ce commerce international
Le trafic global de l’activité de transport maritime est encadré par l’Organisation maritime internationale (OMI), agence des Nations Unies, qui rassemble aujourd’hui près de tous les pays du monde, soit 172 États. Cette agence formule les règlements maritimes internationaux, qui sont également appelés « Conventions ». L’OMI s’efforce, en particulier, de veiller à ce que les Conventions adoptées soient correctement appliquées par les pays signataires.
Le saviez-vous ?
Le trafic est particulièrement saturé dans certaines zones telles que la mer Méditerranée, qui concentre à elle-seule 30 % du trafic maritime mondial. La mer rouge, l’océan pacifique au large de l’Asie de l’est et l’Atlantique nord font également partie des zones les plus traversées. De ce fait, certains points de passage importants font l’objet d’une surveillance accrue de la part de l’OMI. C’est le cas du canal de Suez, du canal de Panama et du détroit de Malacca.
3) Quand le réchauffement climatique ouvre des voies
Dans le contexte du réchauffement climatique, en raison de la fonte des glaces du pôle nord, on constate l’ouverture de nouvelles routes. Par exemple, le passage du Nord-Est, qui permet de relier l’Europe à l’Asie et qui a été emprunté pour la première fois en 2018 par un armateur danois.
L’ouverture de ces nouvelles voies engendre de nouvelles problématiques environnementales, notamment pour l’Arctique. Un risque de pollution auquel s’ajoutent des rapports de force militaires et géopolitiques. On relève ainsi l’omniprésence de la Russie dans cette zone côtière. De manière générale, la région Arctique intéresse les pays qui la bordent mais aussi la Chine, qui veut privilégier ses intérêts commerciaux.
Cette augmentation du trafic maritime a eu pour effet la conteneurisation et le gigantisme des navires qui sillonnent notre planète.
1) Le révolution du conteneur
C’est notamment suite à « la révolution du conteneur » que le trafic maritime mondial s’est accéléré. On le doit à l’invention d’un Américain en 1949, Keith Tantlinger, qui construit une caisse métallique pour transporter des objets en mer. En 1954, il s’associe avec Malcolm MacLean, transporteur américain, pour tester son invention sur sa flotte. Les deux conçoivent alors un conteneur de près de 10 mètres de long, le principe étant de pouvoir en empiler plusieurs sur un navire. L’invention du conteneur est validée en 1967 par l’Organisation internationale de normalisation. Le modèle standard et universel du conteneur permet d’empiler, de charger et de décharger facilement de nombreuses marchandises dans les ports.
En 2017, l’UNCTAD, organe des Nationaux Unies, recensait plus de 11 813 porte-conteneurs neufs livrés, ce qui représente 13 % de la flotte mondiale.
2) L’expansion des navires géants
Evolution du commerce mondial (volume) des marchandises transportées par voie maritime (tonnes) et de la flotte mondiale
Au gré du développement des échanges entre pays du Nord mais aussi entre pays du Sud (la Chine est devenue le premier exportateur mondial en 2009), la demande s’est accrue, stimulant l'apparition de gigantesques bateaux. Certains peuvent actuellement transporter jusqu'à 18 000 conteneurs et ces porte-conteneurs ne cessent de grandir. Ils font aujourd'hui jusqu'à 400 mètres de long et pèsent 200 000 tonnes.
Selon l’UNCTAD, près de 89000 navires de commerce sillonnaient le monde en 2017 : 200 00 cargos, 9000 pétroliers, 10000 vraquiers, 5000 porte-conteneurs, 44000 autres (ferries, câbliers, recherche, rouliers, etc).
Selon l’UNCTAD, au début de 2019, 95 402 navires de commerce sillonnaient le mode dont une majorité de pétroliers, de vraquiers (transport de marchandises en vrac), de porte-conteneurs et de navires de charge classiques. En 2018, la Chine, le Japon et la République de Corée concentraient 90 % de l’activité de construction navale dans le monde.
1) Les pollutions par hydrocarbures
- Le risque de marées noires est directement lié à l’augmentation du trafic maritime. Certains navires construits avec des matériaux de basse qualité ou en mauvais état d’usure continuent d’être exploités dans des États peu regardants tels que le Panama, le Liberia, les Comores, etc. Or, ces navires défectueux sont plus enclins à connaître des avaries et à sombrer dans nos océans. Parmi les plus connues et médiatisées, citons l’Amoco Cadiz en 1978, l’Erika en 1999 ou encore le Prestige en 2002.
- Lors d’une marée noire, l’eau se recouvre d’une nappe d’hydrocarbures qui flotte à sa surface et représente un piège pour la biodiversité marine, notamment pour les oiseaux et la faune. Cette nappe noire peut s’étendre jusqu’à une centaine de kilomètres. Les marées noires ont non seulement des conséquences écologiques mais aussi financières. En effet, la pollution engendrée impacte les activités économiques telles que la pêche, l’aquaculture, le tourisme. Le nettoyage des plages bretonnes suite au naufrage du pétrolier Erika sur les côtes bretonnes en 1999 a ainsi coûté plus de 200 millions d’euros à l’entreprise Total.
- Dans les différents États impactés, des lois contraignantes pour les armateurs ont heureusement été prises à la suite ces accidents. Mais ces mesures, prises a posteriori et non pas en prévention, ne permettent pas d’éviter ce type de catastrophe environnementale dans d’autres pays.
2) Les rejets de gaz à effet de serre et autres polluants atmosphériques
Porte-conteneurs, superpétroliers, bateaux de croisières… Ces navires géants peuvent être à l’origine d’autres pollutions. Le transport maritime est à l’origine de 13,5 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européen (Source : Agence européenne de l'environnement, 2019). Parmi les polluants incriminés, citons le dioxyde carbone (dont la formule chimique est le CO2), le soufre (Sox) et l’azote (Nox)
Composé de mélanges d’hydrocarbures pétroliers, le fioul utilisé par les navires est dit « lourd ». Plus ce carburant est visqueux (composé de mélanges), plus le navire émet de gaz à effets de serre. En effet, lors de sa combustion, il émet des particules de soufre hautement nocives pour la santé et contribue aux émissions de gaz à effet de serre.
Or, le fioul lourd représente encore 70% de la consommation de carburant totale dans le transport maritime mondial. Sachant que le transport maritime représente plus de 3 % des émissions totales de CO2 d’origine anthropique, c’est-à-dire humaine, et que cette tendance va en augmentant, il est indispensable qu l’OMI et les différents États légifèrent pour limiter la pollution émanant des navires.
Le transport maritime a également d’autres impacts sur l’environnement. En Arctique par exemple, les émissions de gaz atmosphériques des navires noircissent la glace. Cela empêche le phénomène de réverbération des rayons du soleil de la glace, ce qui a pour effet d’accélérer le réchauffement climatique dans la région.
Pour plus d’informations : https://www.hfofreearctic.org/en/front-page/
Autre impact méconnu : l’introduction d’espèces exotiques dans des pays où elles peuvent venir perturber l’écosystème local. Depuis 1949, on estime ainsi que le secteur du transport maritime est à l’origine de la plus grande part des introductions d’espèces non indigènes dans les mers autour de l’Union européenne.
3) La perte de conteneurs et autres déchets en mer
Le saviez-vous ? Quand les conteneurs sont mal arrimés ou qu’ils naviguent en pleine tempête, certains porte-conteneurs finissent par perdre leur chargement. Les conteneurs sombrent alors en pleine mer, devenant une menace pour la navigation et les océans. En effet, ils contiennent souvent des produits dangereux, inflammables ou du plastique. Par exemple, des billes de plastique pellets. On retrouve ainsi certains de ces produits, matériaux ou objets sur les plages après qu’ils aient été transportés par les courants marins. Parmi les accidents marquants de ce type, on citera celui du navire One Apus, au large du Japon, survenu en décembre 2020 et qui entraîna la perte de 1800 conteneurs. Plusieurs acteurs, dont Surfrider Foundation Europe, ont mis en place des systèmes de quantification pour recueillir des données sur ces pertes.
Entre 1994 et 2019, les autorités ont recensé 750 accidents et près de 17 000 conteneurs qui ont été perdus soit l’équivalent de la capacité d’un des plus grand porte-conteneur de 400 m de long. Ou de cinq avions de type A380 !
La perte de conteneur en mer, bien que moins connue que les marées noires, est une source de pollution préoccupante qui ne dispose pas d’un cadre réglementaires suffisant, ni de moyens de contrôles satisfaisants. Aussi, Surfrider Foundation Europe agit au niveau international afin de faire connaître ce fléau pour mieux prévenir les accidents.
Pour plus d’informations et chiffres : https://surfrider.eu/wp-content/uploads/2019/03/rapportconteneursfr_compressed.pdf
4) La grande oubliée : la pollution sonore
Le transport maritime est à l’origine d’une autre nuisance vis-à-vis de la faune marine. De nature sonore, cette nuisance est liée au bruit émis par les hélices des navires. Ces bruits sourds ont un impact sur les mammifères marins et les bancs de poissons car ils viennent perturber leurs repères et leur mode de communication.
Cette pollution sonore n’est malheureusement pas reconnue dans la législation actuelle. Pourtant, le transport maritime a contribué à doubler les niveaux sonores sous-marins dans les eaux de l'Union européenne entre 2014 et 2019 (Source : Agence européenne de l’environnement, 2021).
5) Le démantèlement des navires
Moins médiatisée que les marées noires, la fin de vie des navires est également une problématique environnementale majeure. Véritable industrie, le démantèlement de ces bateaux a principalement lieu dans trois pays : l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh. Ces démantèlements à ciel ouvert se font dans de mauvaises conditions de travail et environnementales, les navires étant directement désossés sur les plages et les polluants déversés dans l’environnement. Parmi eux, citons l’amiante, une catégorie de minéraux anciennement utilisée dans l’industrie et hautement toxiques pour ceux qui inhalent ses fibres et particules. Bien que l’utilisation de l’amiante dans les matériaux et produits soit interdit depuis 1997 en France et en 2005 en Europe, on en retrouve dans certains navires.
Pour éviter que les pays en voie de développement ne deviennent les décharges ou les casses des pays développés, il est donc nécessaire de relocaliser cette industrie dans les pays développés.
1) Réduire sa consommation de biens
Après avoir constaté les nombreux dommages sur l’environnement, quelles sont les alternatives ?
En tant que consommateurs, il nous est possible d’agir concrètement à la source. Par exemple, en réduisant notre consommation générale de produits neufs. Il s’agit de privilégier à la place les articles d’occasion. Ou encore d’éviter de céder à la tentation des opérations commerciales telles que les soldes ou le Black Friday.
Pour y parvenir, une méthode très simple consiste à se demander si on a vraiment besoin de ce que l’on est sur le point d’acheter. A-t-on déjà l’équivalent quelque part ? Peut-on plutôt l’emprunter à un proche ? Ne se trouve-t-il par sur une plateforme de vente d’occasion ?
Souvenez-vous que l’un des plus grands pouvoirs des citoyens réside dans ses actes de consommation.
2) Privilégier les circuits courts
En plus des achats d’occasion, il s’agit de s’intéresser à la provenance de ce qu l’on achète. Acheter local permet de relocaliser l’économie et donc de limiter les intermédiaires entre le lieu de fabrication et de vente ainsi que les différents trajets parcourus par nos biens de consommation.
Pratiquer les circuits courts, c’est par exemple acheter des fruits et légumes de saison dans les marchés de producteurs. Ou encore, choisir avec plus de soin les vêtements et les marques que l’on achète. Il est possible de trouver des vêtements fabriqués en Europe, par exemple, plutôt qu’au Bangladesh, au Pakistan ou en Chine. Pour cela, il s’agit d’éviter les achats sur les plateformes de commerce en ligne à bas coût qui nous vendent des articles dits de fast-fashion (mode rapide en anglais).
Pour vos achats (alimentation, vêtements, cosmétiques, fournitures…) que ce soit dans le commerce physique ou en ligne, intéressez-vous aux marques éco-responsables, de plus en plus nombreuses.
3) Opter pour les modes de transports et les carburants alternatifs
On peut aussi agir en limitant l’impact des transports maritimes de personnes. Pour nos vacances, il s’agit par exemple de limiter nos trajets en ferry et surtout, d’éviter les croisières en mer sur des paquebots géants. Pour voyager, préférez les modes de transports comme le covoiturage, le train ou les mobilités douces (bus, vélo, marche…).
Malgré une baisse de l’activité maritime en 2020 due au Covid-19, le transport maritime devrait connaître, dans les prochaines décennies, une forte croissance qui pourrait augmenter ses émissions de CO2 d'environ 90 à 130% d'ici 2050, selon l’OMI. Aussi, à l’échelle internationale, Surfrider agit aux côtés d’autres associations environnementales pour inciter à l’utilisation de combustibles durables tels que l’hydrogène et l’électricité issue d’énergies renouvelables.
On pourrait ainsi imaginer un futur sans fioul lourd, sans émissions de soufre, d’azote et pourquoi pas, un transport maritime fonctionnant grâce… à la force du vent, une énergie 100 % propre et gratuite ! En effet, il existe d’ores et déjà des voiliers-cargos spécialisés dans le transport de marchandises. Citons par exemple Grain de Sail, TOWT, Neoline… Autant d’entreprises qui naviguent vers un avenir plus responsable.
Source :
https://www.eea.europa.eu/fr/highlights/transport-maritime-europeen-le-premier#:~:text=Il%20est%20estim%C3%A9%20que%20le,les%20mers%20europ%C3%A9ennes%20depuis%201949
https://www.eea.europa.eu/publications/maritime-transport
https://surfrider.eu/wp-content/uploads/2019/03/rapportconteneursfr_compressed.pdf
https://unctad.org/system/files/official-document/rmt2019_fr.pdf
https://www.vie-publique.fr/en-bref/281396-transport-maritime-recul-des-emissions-de-co2-dans-lunion-europeenne#:~:text=Malgr%C3%A9%20une%20baisse%20de%20l,Organisation%20maritime%20internationale%20(OMI).